La géolocalisation est un procédé qui permet de localiser un objet ou un individu à l’aide de ses coordonnées géographiques recueillies à l’aide d’un terminal type GPS ou téléphone mobile. Il existe plusieurs techniques de géolocalisation : par satellite, par GSM, par wi-fi…
Nombreux sont les employeurs qui ont recours à la géolocalisation à des fins diverses : productivité, économies de carburant ou de communications, sécurité…
La mise en place d’un système de géolocalisation suppose le traitement de données à caractère personnel concernant les salariés et doit donc répondre à certains critères, notamment est soumise à déclaration auprès de la CNIL Commission Nationale Informatique et Libertés.
Dans cette déclaration, l’employeur devra préciser les finalités du traitement, l’information des personnes concernées, la nature des données collectées, les destinataires des informations collectées et la durée de conservation des données collectées. Il convient de se référer à l’article 30 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.
Le défaut de déclaration rendrait inopposable le système de géolocalisation aux salariés.
L’employeur ne pourrait en aucun cas utiliser les données collectées à l’encontre de ses employés.
En outre, il s’exposerait à des sanctions pénales puisque l’article 226-16 du Code pénal prévoit que :
« Le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en œuvre prévues par la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 Euros d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à un traitement qui a fait l’objet de l’une des mesures prévues au 2° du I de l’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
La Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 6 avril 2004, qu’un employeur ne peut sanctionner un employé qui refuserait de se plier à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel si ce traitement n’a pas été déclaré à la CNIL.
« Attendu qu’il résulte de la combinaison des articles 16, 27 et 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, 226-16 du Code pénal, L. 121-8 et L. 432-2-1 du Code du travail, qu’à défaut de déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’un traitement automatisé d’informations nominatives concernant un salarié, son refus de déférer à une exigence de son employeur impliquant la mise en œuvre d’un tel traitement ne peut lui être reproché ; que le moyen ne peut dès lors être accueilli »
L’employeur doit informer les salariés de la mise en place d’un système de géolocalisation.
Cette information doit porter sur :
– l’identité du responsable du traitement,
– les finalités du traitement,
– quelles sont les données à caractère personnel traitées,
– les catégories de personnes concernées par le traitement,
– les destinataires des données,
– et également sur l’existence d’un droit d’accès et de rectification et d’opposition et leurs modalités d’exercice, comme le prévoit l’article 32 de la loi Informatique et Libertés.
Cette information peut être donnée par courrier remis à chacun des salariés, par une réunion d’information, par affichage.
Il a été jugé par la Cour d’Appel de DIJON dans un arrêt du 14 septembre 2010 que les pièces versées par l’employeur pour justifier le licenciement du salarié obtenues par un système de géolocalisation non porté préalablement à sa connaissance devaient être écartées.
La CNIL prévoit que dans sa déclaration, l’employeur doit préciser les modalités de mise en œuvre de cette information. Il doit en outre informer et recevoir l’avis du Comité d’entreprise.
Le CHSCT doit également être informé et consulté s’agissant d’un projet modifiant les conditions de travail (article L. 4612-8 du Code du travail).
L’employeur doit déterminer les finalités poursuivies par le traitement et s’y tenir. Il s’agit des objectifs poursuivis par la mise en place du dispositif de géolocalisation. Il peut s’agir de gérer en temps réel les interventions auprès des clients.
Le traitement doit être effectué de manière adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif qui est poursuivi.
Si l’employeur peut mettre en place le système de géolocalisation dans le but de surveiller l’activité des salariés, c’est uniquement si un tel système se justifie au regard de l’activité des salariés, et dans ce cas, la CNIL recommande que la surveillance des déplacements des employés ne soit pas permanente et ne puisse être mise en œuvre que si la tâche à accomplir réside dans le déplacement lui-même, ce qui est le cas par exemple des taxis.
Un système de géolocalisation peut avoir pour finalité le suivi du temps de travail d’un salarié uniquement lorsque l’employeur ne dispose pas d’autres moyens.
L’employeur ne peut en effet restreindre les droits et les libertés de ses employés que si cette restriction est justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.
Dans sa délibération du 16 mars 2006, la CNIL recommande que :
« Compte tenu du caractère intrusif des dispositifs traitant la donnée de géolocalisation des véhicules et des informations qui peuvent y être associées, la commission estime que la mise en œuvre de tels dispositifs n’est admissible que dans le cadre des finalités suivantes :
– la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge (travailleurs isolés, transports de fonds et de valeurs, etc.) ;
– une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés (interventions d’urgence, chauffeurs de taxis, flottes de dépannage, etc.) ;
– le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule (ramassage scolaire, nettoyage des accotements, déneigement routier, patrouilles de service sur le réseau routier, etc.) ;
– le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d’autres moyens.
En revanche, l’utilisation d’un système de géolocalisation ne saurait être justifiée lorsqu’un employé dispose d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP, etc.).
La commission rappelle que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de l’employé concerné.
La commission considère ainsi que le responsable du traitement ne doit pas collecter des données relatives à la localisation d’un employé en dehors des horaires de travail de ce dernier. C’est pourquoi la commission recommande que les employés aient la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules peuvent être utilisés à des fins privées.
Les employés investis d’un mandat électif ou syndical ne doivent pas être l’objet d’une opération de géolocalisation lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leur mandat. »
L’utilisation des informations collectées par les dispositifs de géolocalisation doit correspondre à l’objectif déclaré et ne doit pas servir à d’autres fins.
Ainsi, un employeur qui utiliserait le dispositif de géolocalisation pour contrôler l’activité de ses employés alors que la finalité déclarée à la CNIL est la lutte contre le vol, commettrait un détournement de finalité.
La jurisprudence se développe s’agissant de tels détournements.
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 3 novembre 2011, a ainsi sanctionné un employeur pour ne pas avoir respecté la finalité prévue dans la déclaration.
En l’espèce, le salarié, tenu à un horaire de 35 heures par semaine, était libre d’organiser son temps de travail, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel, selon le contrat de travail, devait faire la preuve de son activité.
L’employeur a, par la suite, après information du salarié, installé un système de géolocalisation.
Après avoir rappelé le principe de proportionnalité et de spécialité du système de géolocalisation, la Cour de Cassation a constaté un détournement de la finalité telle que notifiée au salarié, à savoir, « permettre l’amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements et pour permettre à la direction d’analyser les temps nécessaires à ses déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées ». En effet, l’employeur s’est fondé sur les données récoltées pour modifier la base de calcul de la rémunération, ce qui a constitué un « manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ».
La Cour de Cassation a ainsi jugé :
« Mais attendu, d’abord, que selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail ;
Attendu, ensuite, qu’un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés ;
Et attendu que la cour d’appel a constaté, d’une part, que selon le contrat de travail, le salarié était libre d’organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge pour lui de respecter le programme d’activité fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel de convention expresse faisait preuve de l’activité du salarié, et, d’autre part, que le dispositif avait été utilisé à d’autres fins que celles qui avait été portées à la connaissance du salarié ; qu’elle en a exactement déduit que cette utilisation était illicite et qu’elle constituait un manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. »
Dans un arrêt du 16 mai 2013, la Cour d’Appel d’ORLEANS a également remis en cause le licenciement d’unsalarié pour manque d’assiduité au travail, qui avait été démontré par le système de géolocalisation, dès lors que ce procédé n’avait pas pour finalité la surveillance du temps de travail des salariés.
L’employeur était une société de nettoyage et elle avait utilisé le dispositif de géolocalisation pour vérifier que le salarié se rendait bien sur les sites dont il avait la charge. La Cour d’Appel a toutefois estimé que ce dispositif n’avait pas vocation à prouver la faute du salarié.
La Cour d’Appel de LYON a confirmé que le procédé de géolocalisation n’avait pour but de démontrer l’absence ou non du salarié et qu’en utilisant le système à de telles fins, l’employeur effectuait un détournement de finalité.
Cour d’Appel de LYON 13 mars 2013 :
« L’article L.1121-1 du code du travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Selon l’article L.1222-4 du même code, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Par ailleurs, selon la norme simplifiée n° 51 du 16 mars 2006 établie par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation n’est admissible que si l’employeur remplit les conditions suivantes :
- effectuer une déclaration simplifiée auprès de cette commission.
- informer et consulter les instances représentatives du personnel avant sa mise en œuvre,
- informer individuellement les employés, préalablement à la mise en œuvre du dispositif, de la finalité poursuivie, des catégories de données traitées, de la durée de conservation des données les concernant, des destinataires ou catégories de destinataires des données, de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition,
- permettre aux salariés de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules peuvent être utilisés à des fins privées.
En l’espèce, il ressort des registres du personnel versés au débat que la société ne pouvait être soumise à la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, l’effectif de la société en novembre 2006 au moment de l’instauration du système de géolocalisation n’ayant pas atteint le seuil légal de la mise en place de ces institutions. Ce système a été déclaré à la Cnil selon récépissé délivré le 17 novembre 2006. Par ailleurs, la société prétend avoir procédé à l’information individuelle des salariés lors d’une réunion du personnel tenue le 9 juin 2006 à laquelle John X., convoqué personnellement, a assisté comme en atteste M.M.
Pour autant ne produisant ni compte-rendu ni ordre du jour et la convocation ayant pour objet “une réunion d’information et de présentation de la société », elle ne démontre pas avoir communiqué au salarié les données visées par la Cnil.
Néanmoins, elle produit une note de
service affichée le 09 novembre 2006 à destination de l’ensemble des
agents de sécurité, catégorie à laquelle appartient John X. et précisant
que :
« De façon à mieux gérer nos interventions chez nos clients, nous vous
informons que nous avons installé, dans les véhicules, un système
permettant de les localiser en temps réel.
Ce service va nous permettre de quantifier les interventions par type et de connaitre les délais et temps d’intervention sur événement. Nous aurons connaissance de l’itinéraire que vous suivez ainsi que des arrêts que vous effectuez.
Notre objectif est de pouvoir
établir au mieux des tableaux de bord de nos activités, et en cas de
désaccord avec nos clients, apporter un avis contradictoire, notamment
sur nos délais d’intervention.
Les données relatives à vos déplacements sont conservées pendant 1 an et
6 mois, et ont pour objet la réalisation de statistiques. Au delà de ce
laps de temps toutes les données sont supprimées.
Le service de la direction des ressources humaines et les responsables
opérationnels sont seuls destinataires de ces informations. Conformément
aux articles 39 et 40 de la 101 n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée
relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés, toute personne
peut obtenir communication et, le cas échéant, rectification ou
suppression des informations la concernant, en s’adressant à la
direction générale. Vous bénéficiez également d’un droit d’opposition,
sous réserve d’invoquer des motifs légitimes qui seront soumis à
l’appréciation de la direction ».
Cette note conforme au guide établi par la Cnil fait bien état de la mise en place d’un système de géolocalisation dans les véhicules mais dans un but purement commercial. Le suivi de l’activité des employés de la société but qui doit être justifié au regard de l‘activité de l’employé n’est pas mentionné au titre des finalités poursuivies.
Les éléments de la procédure disciplinaire menée par la société à l’encontre de John X. démontrent néanmoins que la société a utilisé ainsi le système de géolocalisation, puisqu’elle a sanctionné John X. au vu du relevé des déplacements de son véhicule de service, opérant ainsi un détournement de finalité au regard de celle qui avait été portée à la connaissance du salarié.
Ne pouvant utiliser ces données comme preuve du seul fait reproché à John X. le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse. »
Enfin, la Cour d’Appel de BORDEAUX, dans un arrêt du 27 novembre 2012 a précisé que le dispositif de cryptage produisant des données de géolocalisation illisibles en dehors des horaires de travail n’empêche pas toute récupération de ces données par l’employeur et que :
« Seule une désactivation complète du dispositif de géolocalisation, impliquant qu’aucune donnée ne soit transmise à partir du véhicule, donc recueillie par l’employeur, est de nature à préserver totalement la vie privée des salariés ainsi que le libre exercice de leur mandat représentatif »
Pour les juges de Cour d’appel, la désactivation complète du système est le seul moyen capable de préserver totalement la vie privé des salariés, et la liberté syndicale des salariés mandatés.
L’employeur ne doit avoir aucune possibilité de récupérer ces données.
Il est manifeste que tout traitement de données à caractère personnel doit répondre à des règles strictes qui résultent de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.
Cette loi prévoit un certain nombre de droits pour les personnes dont les données ont été collectées, notamment un droit d’accès aux données et de copie, un droit de rectification, droit de suppression de données qui seraient inexactes.
Le non-respect des obligations et droits prévus par la Loi Informatique et Libertés est pénalement sanctionné.
L’article 226-21 du Code Pénal sanctionne plus particulièrement le détournement de finalité du traitement.
« Le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l’acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en œuvre de ce traitement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 Euros d’amende. »
Pour plus de précisions sur ces traitements de données à caractère personnel, il convient de se référer à la loi dite Informatique et Libertés accessible à l’adresse suivante :