Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, si l’employeur tarde à engager la procédure de licenciement après avoir notifié au salarié sa mise à pied conservatoire
Cour de cassation, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit
Pour rappel, l’article L.1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Par ailleurs, aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
L’employeur peut par exemple sanctionner un salarié par une mise à pied disciplinaire, sanction qui est à distinguer de la mise à pied conservatoire.
La mise à pied disciplinaire est en effet une mesure visant à sanctionner le salarié lorsque ce dernier a commis un agissement considéré comme fautif par l’employeur, et entraînant la suspension du contrat de travail pendant la durée de la mise à pied, ainsi que la déduction des jours de mise à pied du salaire.
La mise à pied conservatoire, est quant à elle une mesure provisoire visant à écarter le salarié de l’entreprise, dans l’attente d’une éventuelle sanction disciplinaire.
La mise à pied conservatoire ne doit donc pas durer dans le temps, faute de quoi elle pourrait être considérée comme constituant une sanction disciplinaire.
En ce sens, la Cour de cassation a retenu dans un arrêt du 14 avril 2021 qu’une cour d’appel, ne peut donc pas dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse alors qu’elle a constaté que la procédure de licenciement avait été engagée 7 jours après la notification de la mise à pied et qu’elle n’avait retenu aucun motif de nature à justifier ce délai, en sorte que cette mesure présentait le caractère d’une sanction disciplinaire et que l’employeur ne pouvait ensuite décider à raison des mêmes faits le licenciement de l’intéressé.
Il faut donc retenir de cette décision que l’employeur ne doit pas tarder à engager la procédure de licenciement en convoquant le salarié à un entretien préalable, après avoir notifié la mise à pied conservatoire, faute de quoi la mise à pied conservatoire présente le caractère de sanction disciplinaire et le licenciement sanctionnant les mêmes faits est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Maggy RICHARD est avocat et mediateur, pour avoir suivi une formation en médiation civile et commerciale.
Elle est inscrite sur la liste des médiateurs près la Cour d’appel de NANCY.
Elle est membre de LJA LORRAINE JUSTICE AMIABLE, centre de médiation qui regroupe des avocats médiateurs et des avocats formés pour accompagner leurs clients en réunions de médiation
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Ils sont de plus en plus nombreux dans les rues de Nancy et des alentours : les livreurs à vélo.
Peu d’entre eux sont salariés, ils sont travailleurs indépendants, déclarés en auto ou micro-entreprise.
Or, la Cour de cassation a récemment jugé qu’un lien de subordination avec la plateforme web qui le contacte pouvait être retenu puisque le cycliste est géolocalisé par la plateforme, ce qui permet un suivi en temps réel par la société de la position du coursier et de la comptabilisation des kilomètres.
Si la société a en outre un pouvoir de sanction sur le livreur, le lien de subordination paraît difficilement contestable.
La décision concernait la société Take Eat Easy .
Celle-ci pratiquait des sanctions en cas de refus de livraison ou de retards et des bonus lorsque le cycliste dépassait la moyenne kilométrique des autres coursiers.
A ce jour, les plateformes de mise en relation mettent en place des stratégies pour éviter une telle requalification en contrat de travail, notamment par l’emploi de termes qui ne figurent pas dans le code du travail. Il est fait état de prestation de service ou de partenariat et non de travail; de partenaire et non de salarié, etc.
Il convient toutefois d’être attentif aux conditions de mise en oeuvre de ce partenariat.
Rappelons que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.» (Cass. soc., 13 novembre 1996).
Dans cet arrêt n°1737 du 28 novembre 2018 (17-20.079), la Chambre sociale de la Cour de cassation a retenu que:
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Viole
l’article L.8221-6, II du code du travail la cour d’appel qui retient
qu’un coursier ne justifie pas d’un contrat de travail le liant à une
société utilisant une plate-forme web et une application afin de mettre
en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande
de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo
exerçant sous le statut de travailleur indépendant des livraisons de
repas, alors qu’il résulte de ses constatations que l’application était
dotée d’un système de géo-localisation permettant le suivi en temps réel
par la société de la position du coursier et la comptabilisation du
nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et que la société
disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier.
Demandeur(s) : M. B… ; et autres
Défendeur(s) : Mme D… , en qualité de mandataire liquidateur de la société Take Eat Easy ; et autres
Donne acte à la CGT de son intervention volontaire ;
Sur le moyen unique :
Vu l’article L. 8221-6 II du code du travail ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Take Eat Easy
utilisait une plate-forme web et une application afin de mettre en
relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de
repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo
exerçant leur activité sous un statut d’indépendant ; qu’à la suite de
la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet
spécialisés, M. B… a postulé auprès de cette société et effectué les
démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité
d’auto-entrepreneur ; qu’au terme d’un processus de recrutement, les
parties ont conclu le 13 janvier 2016 un contrat de prestation de
services ; que M. B… a saisi la juridiction prud’homale le 27 avril
2016 d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de
travail ; que, par jugement du 30 août 2016, le tribunal de commerce a
prononcé la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy et désigné en qualité de mandataire liquidateur Mme D… ;
Attendu que pour rejeter le contredit, dire que M. B… n’était pas lié par un contrat de travail à la société Take Eat Easy
et dire le conseil de prud’hommes incompétent pour connaître du litige,
l’arrêt retient que les documents non contractuels remis à M. B…
présentent un système de bonus (le bonus « Time Bank » en fonction du
temps d’attente au restaurant et le bonus « KM » lié au dépassement de la
moyenne kilométrique des coursiers) et de pénalités (« strikes »)
distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations
contractuelles, un « strike » en cas de désinscription tardive d’un
« shift » (inférieur à 48 heures), de connexion partielle au « shift »
(en-dessous de 80 % du « shift »), d’absence de réponse à son téléphone
« wiko » ou « perso » pendant le « shift », d’incapacité de réparer une
crevaison, de refus de faire une livraison et, uniquement dans la Foire
aux Questions (« FAQ »), de circulation sans casque, deux « strikes » en cas
de « No-show » (inscrit à un « shift » mais non connecté) et, uniquement
dans la « FAQ », de connexion en dehors de la zone de livraison ou sans
inscription sur le calendrier, trois « strikes » en cas d’insulte du
« support » ou d’un client, de conservation des coordonnées de client, de
tout autre comportement grave et, uniquement dans la « FAQ », de cumul de
retards importants sur livraisons et de circulation avec un véhicule à
moteur, que sur une période d’un mois, un « strike » ne porte à aucune
conséquence, le cumul de deux « strikes » entraîne une perte de bonus, le
cumul de trois « strikes » entraîne la convocation du coursier « pour
discuter de la situation et de (sa) motivation à continuer à travailler
comme coursier partenaire de Take Eat Easy » et le cumul de
quatre « strikes » conduit à la désactivation du compte et la
désinscription des « shifts » réservés, que ce système a été appliqué à
M. B…, que si, de prime abord, un tel système est évocateur du pouvoir
de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les
faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les
pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements
objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations
contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci
de choisir ses horaires de travail en s’inscrivant ou non sur un « shift »
proposé par la plate-forme ou de choisir de ne pas travailler pendant
une période dont la durée reste à sa seule discrétion, que cette liberté
totale de travailler ou non, qui permettait à M. B…, sans avoir à en
justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre
sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque
forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de
fixer seul ses périodes d’inactivité ou de congés et leur durée, est
exclusive d’une relation salariale ;
Attendu cependant que l’existence d’une
relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties
ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des
conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des
travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par
l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir
de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et
de sanctionner les manquements de son subordonné ;
Qu’en statuant comme elle a fait, alors
qu’elle constatait, d’une part, que l’application était dotée d’un
système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la
société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre
total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d’autre part, que la
société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à
l’égard du coursier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir
de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation
caractérisant un lien de subordination, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 avril 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
La géolocalisation est un procédé qui
permet de localiser un objet ou un individu à l’aide de ses coordonnées
géographiques recueillies à l’aide d’un terminal type GPS ou téléphone
mobile. Il existe plusieurs techniques de géolocalisation : par
satellite, par GSM, par wi-fi…
Nombreux sont les employeurs qui ont
recours à la géolocalisation à des fins diverses : productivité,
économies de carburant ou de communications, sécurité…
La mise en place d’un système de
géolocalisation suppose le traitement de données à caractère personnel
concernant les salariés et doit donc répondre à certains critères,
notamment est soumise à déclaration auprès de la CNIL Commission
Nationale Informatique et Libertés.
Dans cette déclaration, l’employeur
devra préciser les finalités du traitement, l’information des personnes
concernées, la nature des données collectées, les destinataires des
informations collectées et la durée de conservation des données
collectées. Il convient de se référer à l’article 30 de la loi
Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.
Le défaut de déclaration rendrait inopposable le système de géolocalisation aux salariés.
L’employeur ne pourrait en aucun cas utiliser les données collectées à l’encontre de ses employés.
En outre, il s’exposerait à des sanctions pénales puisque l’article 226-16 du Code pénal prévoit que :
« Le fait, y compris par négligence,
de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à
caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités
préalables à leur mise en œuvre prévues par la loi est puni de cinq ans
d’emprisonnement et de 300 000 Euros d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, y
compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à un
traitement qui a fait l’objet de l’une des mesures prévues au 2° du I
de l’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
La Cour de cassation a considéré,
dans un arrêt du 6 avril 2004, qu’un employeur ne peut sanctionner un
employé qui refuserait de se plier à la mise en œuvre d’un traitement
de données à caractère personnel si ce traitement n’a pas été déclaré à
la CNIL.
« Attendu qu’il résulte de la
combinaison des articles 16, 27 et 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier
1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, 226-16 du
Code pénal, L. 121-8 et L. 432-2-1 du Code du travail, qu’à défaut de
déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés
d’un traitement automatisé d’informations nominatives concernant un
salarié, son refus de déférer à une exigence de son employeur impliquant
la mise en œuvre d’un tel traitement ne peut lui être reproché ; que le
moyen ne peut dès lors être accueilli »
L’employeur doit informer les salariés de la mise en place d’un système de géolocalisation.
Cette information doit porter sur :
– l’identité du responsable du traitement,
– les finalités du traitement,
– quelles sont les données à caractère personnel traitées,
– les catégories de personnes concernées par le traitement,
– les destinataires des données,
– et également sur l’existence
d’un droit d’accès et de rectification et d’opposition et leurs
modalités d’exercice, comme le prévoit l’article 32 de la loi
Informatique et Libertés.
Cette information peut être donnée par courrier remis à chacun des salariés, par une réunion d’information, par affichage.
Il a été jugé par la Cour d’Appel de
DIJON dans un arrêt du 14 septembre 2010 que les pièces versées par
l’employeur pour justifier le licenciement du salarié obtenues par un
système de géolocalisation non porté préalablement à sa connaissance
devaient être écartées.
La CNIL prévoit que dans sa déclaration,
l’employeur doit préciser les modalités de mise en œuvre de cette
information. Il doit en outre informer et recevoir l’avis du Comité
d’entreprise.
Le CHSCT doit également être informé et consulté s’agissant d’un projet modifiant les conditions de travail (article L. 4612-8 du Code du travail).
L’employeur doit déterminer les
finalités poursuivies par le traitement et s’y tenir. Il s’agit des
objectifs poursuivis par la mise en place du dispositif de
géolocalisation. Il peut s’agir de gérer en temps réel les interventions
auprès des clients.
Le traitement doit être effectué de
manière adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à
l’objectif qui est poursuivi.
Si l’employeur peut mettre en place le
système de géolocalisation dans le but de surveiller l’activité des
salariés, c’est uniquement si un tel système se justifie au regard de
l’activité des salariés, et dans ce cas, la CNIL recommande que la
surveillance des déplacements des employés ne soit pas permanente et ne
puisse être mise en œuvre que si la tâche à accomplir réside dans le
déplacement lui-même, ce qui est le cas par exemple des taxis.
Un système de géolocalisation peut avoir
pour finalité le suivi du temps de travail d’un salarié uniquement
lorsque l’employeur ne dispose pas d’autres moyens.
L’employeur ne peut en effet restreindre
les droits et les libertés de ses employés que si cette restriction est
justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but
recherché.
Dans sa délibération du 16 mars 2006, la CNIL recommande que :
« Compte tenu du caractère intrusif
des dispositifs traitant la donnée de géolocalisation des véhicules et
des informations qui peuvent y être associées, la commission estime que
la mise en œuvre de tels dispositifs n’est admissible que dans le cadre
des finalités suivantes :
– la sûreté ou la sécurité de
l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge
(travailleurs isolés, transports de fonds et de valeurs, etc.) ;
– une meilleure allocation des
moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés
(interventions d’urgence, chauffeurs de taxis, flottes de dépannage,
etc.) ;
– le suivi et la facturation d’une
prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une
prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule
(ramassage scolaire, nettoyage des accotements, déneigement routier,
patrouilles de service sur le réseau routier, etc.) ;
– le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d’autres moyens.
En revanche, l’utilisation d’un
système de géolocalisation ne saurait être justifiée lorsqu’un employé
dispose d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (visiteurs
médicaux, VRP, etc.).
La commission rappelle que
l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation ne doit pas conduire à
un contrôle permanent de l’employé concerné.
La commission considère ainsi que le
responsable du traitement ne doit pas collecter des données relatives à
la localisation d’un employé en dehors des horaires de travail de ce
dernier. C’est pourquoi la commission recommande que les employés aient
la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation des
véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules
peuvent être utilisés à des fins privées.
Les employés investis d’un mandat
électif ou syndical ne doivent pas être l’objet d’une opération de
géolocalisation lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leur
mandat. »
L’utilisation des informations
collectées par les dispositifs de géolocalisation doit correspondre à
l’objectif déclaré et ne doit pas servir à d’autres fins.
Ainsi, un employeur qui utiliserait le
dispositif de géolocalisation pour contrôler l’activité de ses employés
alors que la finalité déclarée à la CNIL est la lutte contre le vol,
commettrait un détournement de finalité.
La jurisprudence se développe s’agissant de tels détournements.
La chambre sociale de la Cour de
cassation, dans un arrêt du 3 novembre 2011, a ainsi sanctionné un
employeur pour ne pas avoir respecté la finalité prévue dans la
déclaration.
En l’espèce, le salarié, tenu à un
horaire de 35 heures par semaine, était libre d’organiser son temps de
travail, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de rédiger
un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel, selon le contrat
de travail, devait faire la preuve de son activité.
L’employeur a, par la suite, après information du salarié, installé un système de géolocalisation.
Après avoir rappelé le principe de
proportionnalité et de spécialité du système de géolocalisation, la Cour
de Cassation a constaté un détournement de la finalité telle que
notifiée au salarié, à savoir, « permettre l’amélioration du
processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements
et pour permettre à la direction d’analyser les temps nécessaires à ses
déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées ».
En effet, l’employeur s’est fondé sur les données récoltées pour
modifier la base de calcul de la rémunération, ce qui a constitué un « manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ».
La Cour de Cassation a ainsi jugé :
« Mais attendu, d’abord, que selon
l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits
des personnes et aux libertés individuelles et collectives de
restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à
accomplir ni proportionnées au but recherché ; que l’utilisation d’un
système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du
travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être
fait par un autre moyen, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose
d’une liberté dans l’organisation de son travail ;
Attendu, ensuite, qu’un système de
géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres
finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission
nationale de l’informatique et des libertés, et portées à la
connaissance des salariés ;
Et attendu que la cour d’appel a
constaté, d’une part, que selon le contrat de travail, le salarié était
libre d’organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge
pour lui de respecter le programme d’activité fixé et de rédiger un
compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel de convention
expresse faisait preuve de l’activité du salarié, et, d’autre part, que
le dispositif avait été utilisé à d’autres fins que celles qui avait été
portées à la connaissance du salarié ; qu’elle en a exactement déduit
que cette utilisation était illicite et qu’elle constituait un
manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture
du contrat de travail aux torts de l’employeur. »
Dans un arrêt du 16 mai 2013, la Cour
d’Appel d’ORLEANS a également remis en cause le licenciement d’unsalarié
pour manque d’assiduité au travail, qui avait été démontré par le
système de géolocalisation, dès lors que ce procédé n’avait pas pour
finalité la surveillance du temps de travail des salariés.
L’employeur était une société de
nettoyage et elle avait utilisé le dispositif de géolocalisation pour
vérifier que le salarié se rendait bien sur les sites dont il avait la
charge. La Cour d’Appel a toutefois estimé que ce dispositif n’avait pas
vocation à prouver la faute du salarié.
La Cour d’Appel de LYON a confirmé que
le procédé de géolocalisation n’avait pour but de démontrer l’absence ou
non du salarié et qu’en utilisant le système à de telles fins,
l’employeur effectuait un détournement de finalité.
Cour d’Appel de LYON 13 mars 2013 :
« L’article L.1121-1 du code du
travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et
aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne
seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni
proportionnées au but recherché ».
Selon l’article L.1222-4 du même
code, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut
être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à
sa connaissance. Par ailleurs, selon la norme simplifiée n° 51 du 16
mars 2006 établie par la Commission nationale de l’informatique et des
libertés (Cnil), la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation
n’est admissible que si l’employeur remplit les conditions suivantes :
effectuer une déclaration simplifiée auprès de cette commission.
informer et consulter les instances représentatives du personnel avant sa mise en œuvre,
informer individuellement les employés, préalablement à la mise
en œuvre du dispositif, de la finalité poursuivie, des catégories de
données traitées, de la durée de conservation des données les
concernant, des destinataires ou catégories de destinataires des
données, de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et
d’opposition,
permettre aux salariés de désactiver la fonction de
géolocalisation des véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque
ces véhicules peuvent être utilisés à des fins privées.
En l’espèce, il ressort des
registres du personnel versés au débat que la société ne pouvait être
soumise à la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise
ou des délégués du personnel, l’effectif de la société en novembre 2006
au moment de l’instauration du système de géolocalisation n’ayant pas
atteint le seuil légal de la mise en place de ces institutions. Ce
système a été déclaré à la Cnil selon récépissé délivré le 17 novembre
2006. Par ailleurs, la société prétend avoir procédé à l’information
individuelle des salariés lors d’une réunion du personnel tenue le 9
juin 2006 à laquelle John X., convoqué personnellement, a assisté comme
en atteste M.M.
Pour autant ne produisant ni
compte-rendu ni ordre du jour et la convocation ayant pour objet “une
réunion d’information et de présentation de la société », elle ne
démontre pas avoir communiqué au salarié les données visées par la
Cnil.
Néanmoins, elle produit une note de
service affichée le 09 novembre 2006 à destination de l’ensemble des
agents de sécurité, catégorie à laquelle appartient John X. et précisant
que :
« De façon à mieux gérer nos interventions chez nos clients, nous vous
informons que nous avons installé, dans les véhicules, un système
permettant de les localiser en temps réel.
Ce service va nous permettre de
quantifier les interventions par type et de connaitre les délais et
temps d’intervention sur événement. Nous aurons connaissance de
l’itinéraire que vous suivez ainsi que des arrêts que vous effectuez.
Notre objectif est de pouvoir
établir au mieux des tableaux de bord de nos activités, et en cas de
désaccord avec nos clients, apporter un avis contradictoire, notamment
sur nos délais d’intervention.
Les données relatives à vos déplacements sont conservées pendant 1 an et
6 mois, et ont pour objet la réalisation de statistiques. Au delà de ce
laps de temps toutes les données sont supprimées.
Le service de la direction des ressources humaines et les responsables
opérationnels sont seuls destinataires de ces informations. Conformément
aux articles 39 et 40 de la 101 n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée
relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés, toute personne
peut obtenir communication et, le cas échéant, rectification ou
suppression des informations la concernant, en s’adressant à la
direction générale. Vous bénéficiez également d’un droit d’opposition,
sous réserve d’invoquer des motifs légitimes qui seront soumis à
l’appréciation de la direction ».
Cette note conforme au guide établi
par la Cnil fait bien état de la mise en place d’un système de
géolocalisation dans les véhicules mais dans un but purement commercial.
Le suivi de l’activité des employés de la société but qui doit être
justifié au regard de l‘activité de l’employé n’est pas mentionné au
titre des finalités poursuivies.
Les éléments de la procédure
disciplinaire menée par la société à l’encontre de John X. démontrent
néanmoins que la société a utilisé ainsi le système de géolocalisation,
puisqu’elle a sanctionné John X. au vu du relevé des déplacements de son
véhicule de service, opérant ainsi un détournement de finalité au
regard de celle qui avait été portée à la connaissance du salarié.
Ne pouvant utiliser ces données
comme preuve du seul fait reproché à John X. le licenciement est privé
de cause réelle et sérieuse. »
Enfin, la Cour d’Appel de BORDEAUX, dans
un arrêt du 27 novembre 2012 a précisé que le dispositif de cryptage
produisant des données de géolocalisation illisibles en dehors des
horaires de travail n’empêche pas toute récupération de ces données par
l’employeur et que :
« Seule une désactivation complète
du dispositif de géolocalisation, impliquant qu’aucune donnée ne soit
transmise à partir du véhicule, donc recueillie par l’employeur, est de
nature à préserver totalement la vie privée des salariés ainsi que le
libre exercice de leur mandat représentatif »
Pour les juges de Cour d’appel, la
désactivation complète du système est le seul moyen capable de préserver
totalement la vie privé des salariés, et la liberté syndicale des
salariés mandatés.
L’employeur ne doit avoir aucune possibilité de récupérer ces données.
Il est manifeste que tout traitement de
données à caractère personnel doit répondre à des règles strictes qui
résultent de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.
Cette loi prévoit un certain nombre de
droits pour les personnes dont les données ont été collectées, notamment
un droit d’accès aux données et de copie, un droit de rectification,
droit de suppression de données qui seraient inexactes.
Le non-respect des obligations et droits prévus par la Loi Informatique et Libertés est pénalement sanctionné.
L’article 226-21 du Code Pénal sanctionne plus particulièrement le détournement de finalité du traitement.
« Le fait, par toute personne
détentrice de données à caractère personnel à l’occasion de leur
enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute
autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur
finalité telle que définie par la disposition législative, l’acte
réglementaire ou la décision de la Commission nationale de
l’informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou
par les déclarations préalables à la mise en œuvre de ce traitement, est
puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 Euros d’amende. »
Pour plus de précisions sur ces
traitements de données à caractère personnel, il convient de se référer à
la loi dite Informatique et Libertés accessible à l’adresse suivante :
Par principe, le salarié bénéficie d’une liberté d’expression.
L’article L.1121-1 du Code du Travail prévoit d’ailleurs que : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Les articles L.2281-1 et suivants précisent le droit à l’expression directe et collective des salariés.
Article L2281-1 « Les salariés bénéficient d’un
droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les
conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. »
Article L2281-2 « L’expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise. »
Article L2281-3 « Les opinions que les salariés,
quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent
dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou
un licenciement. »
Il existe une limite à cette liberté
d’expression, le salarié ne doit pas abuser de cette liberté
d’expression. Il ne doit ainsi pas tenir de propos injurieux ou
excessifs vis à vis de son employeur, ni porter atteinte à son
obligation de confidentialité.Il convient de caractériser que les propos tenus sont injurieux, diffamatoires ou excessifs.
A défaut , l’abus ne sera pas retenu.
C’est ce qu’a confirmé la Cour de
Cassation dans un arrêt de la Chambre Sociale du 27 mars 2013 n°
11-19.734, Société Dyneff c/ M. X :
« Attendu que pour dire le
licenciement du salarié fondé sur une faute grave, la cour d’appel, tout
en admettant que les termes de la lettre litigieuse ne sont pas
injurieux, relève que les termes employés tels que « décisions
incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de
l’entreprise », comme ceux de « désordre interne, détournement, abus
d’autorité, conséquences financières et sociales désastreuses » n’en
sont pas moins violents et dénués de nuance, que « leur usage a pour
seule finalité de caractériser l’incurie et l’impéritie du président de
la société », que le courrier litigieux « dépasse les standards
habituels de communication au sein de l’entreprise, décrit de façon
tendancieuse des situations qui s’apparentent à des actes de
malveillance, fait une présentation volontairement alarmiste de la
situation économique et sociale de l’entreprise, répand des rumeurs sur
le devenir de la société et la précarité de la situation des salariés et
manifeste l’intention de ses auteurs de mettre en cause et de
déstabiliser son président et que ce comportement est d’autant plus
fautif qu’il est le fait de cadres supérieurs disposant d’une large
autonomie et d’une autorité non négligeable dans l’entreprise qui
s’adressent directement et collectivement aux nouveaux actionnaires du
groupe », à un moment où « la société Dyneff était en pleine
réorganisation » ; »
Qu’en statuant ainsi, alors que la
lettre litigieuse, adressée aux membres du conseil d’administration et
aux dirigeants de la société mère, ne comportait pas de termes
injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d’appel a violé le texte
susvisé ; »
Par décision du 19 novembre 2010, le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE BILLANCOURT a jugé fondé le licenciement de salariés qui avaient critiqué leur employeur sur le réseau social Facebook.Plusieurs salariés de la société ALTEN SIR avaient en effet dénigré leur employeur sur le mur Facebook d’un des salariés. Ce salarié partageait sa page facebook avec ses amis et les amis de ses amis, de sorte que les informations étaient accessibles à un grand nombre d’internautes, y compris salariés et anciens salariés de la société ou toute personne extérieure.
Le Conseil de Prud’hommes a jugé que « ce
mode d’accès à Facebook dépasse la sphère privée et qu’ainsi la
production aux débats de la page mentionnant les propos incriminés
constitue un moyen de preuve licite du caractère fondé du licenciement.
Dès lors, l’employeur n’a pas violé le droit au respect de la vie privée
de la salariée. »
Le Conseil de Prud’hommes rappelle que «
s’agissant des propos échangés sur Facebook le 22 novembre 2008, il est
précisé que Monsieur François C. intègre “le club des néfastes”, club
virtuel destiné à rassembler les salariés de la Société ALTEN SIR
respectant le rite consistant à se “foutre de la gueule” de Madame D.,
leur supérieure hiérarchique “toute la journée et sans qu’elle s en
rende compte” et ensuite “lui rendre la vie impossible pendant plusieurs
mois. »
Madame Morgane B. ne conteste pas ces
propos mais considère qu’il s’agit d’une plaisanterie, alors qu’elle a
cautionné ces propos dénigrants et a incité à la rébellion contre la
hiérarchie en écrivant qu’elle allait s’assurer que Monsieur François C.
respecte le “rite”.
Le Conseil de Prud’hommes a estimé que
ces propos n’étaient pas simplement humoristiques mais incitaient à la
rébellion et au dénigrement de la société. Madame Morgane B. a abusé de
son droit d’expression et a nui à l’image de la société.
Le Conseil de Prud’hommes a donc confirmé le licenciement de la salariée en retenant pour preuve les publications Facebook dès lors que ces publications étaient publiques, accessibles à un grand nombre d’internautes, et ce dès lors que la salariée n’avait pas paramétrer son compte Facebook pour empêcher la publicité de son contenu. Un salarié ne peut être sanctionné pour une discussion à caractère privé entre amis. D’ailleurs en cas de correspondances privées, seul le destinataire peut en faire état ; ainsi, si l’employeur n’en a pas été destinataire, il ne peut faire état de cette correspondance.
En revanche, si les propos sont accessibles aux amis des amis, et en conséquence à plusieurs personnes, la conversation devient publique.Si les juges n’ont pas d’éléments sur cette publicité, ils ne pourront condamner le salarié et ne pourront donc confirmer la sanction qui aurait été prise à son encontre. La Cour d’Appel de RENNES dans un arrêt du 15 novembre 2011 a précisé que l’employeur devant démontrer comment il avait eu accès au contenu du compte Facebook de son salarié et démontrer le caractère publique de la correspondance.
« Il ne peut être affirmé de manière
absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère
d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace
privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par
son utilisateur.
A cet égard, aucun élément ne permet
de dire que le compte Facebook tel que paramétré par Mlle E. ou par les
autres personnes ayant participé aux échanges autorisait le partage
avec les “amis” de ses “amis” ou tout autre forme partage à des
personnes indéterminées, de nature à faire perdre aux échanges litigieux
leur caractère de correspondance privée.
L’existence d’un tel paramétrage ne
résulte ni des mentions figurant sur la copie de la page Facebook
litigieuse, ni de la seule circonstance que cinq autres salariées ont
participé aux échanges. Elle ne peut davantage être déduite de la
manière dont l’employeur a pris connaissance des propos échangés, ce
dernier n’ayant pas précisé les conditions dans lesquelles il s’en était
procuré la reproduction, de telle sorte qu’il ne peut être exclu
qu’elle provienne de l’une des personnes ayant seules participé aux
échanges. »
Dans un arrêt de même date, la Cour
d’Appel de BESANCON a confirmé le licenciement d’une salarié qui avait
tenu des propos injurieux à l’égard de son employeur sur le mur d’un
ancien collègue, dès lors que ce mur était accessible à d’autres
internautes et qu’elle n’avait pas pris soin d’adresser un message privé
ou de paramétrer son compte.
« Attendu ensuite que s’il est avéré
que lors du dialogue auquel elle a participé sur Facebook avec l’ancien
directeur du magasin et certains contacts de ce dernier Mlle Séverine
F. n’a jamais désigné nommément la société Casa, il en demeure cependant
pas moins que ces propos sont demeurés inscrits sur « le mur » du
profil de son interlocuteur, d’une part, qu’ils ont été par la suite
complétés par un autre contact qui a expressément mentionné la société
Casa, d’autre part ; que même à supposer que la salariée ait quitté le
site sitôt après la délivrance de son dernier message , ses propos sont
tout de même demeurés accessibles et son employeur parfaitement
identifiable ; que l’absence d’intention de la part de la salariée se
trouve dès lors sans effet dès lors que son comportement imprudent a
conduit à un résultat similaire ;
Attendu encore que le réseau
Facebook a pour objectif affiché de créer entre ses différents membres
un maillage relationnel destiné à s’accroître de façon exponentielle par
application du principe «les contacts de mes contacts deviennent mes contacts»
et ce, afin de leur permettre de partager toutes sortes d’informations ;
que ces échanges s’effectuent librement via « le mur » de chacun des
membres auquel tout un chacun peut accéder si son titulaire n’ a pas
apporté de restrictions ; qu’il s’en suit que ce réseau doit être
nécessairement considéré , au regard de sa finalité et de son
organisation, comme un espace public ; qu’il appartient en conséquence à
celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur
Facebook, soit d’adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce
site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a
limité l’accès à son «mur» ;
Qu’en l’espèce Mlle Séverine F. ,
qui ne pouvait ignorer le fonctionnement du site Facebook, n’est pas
fondée à soutenir que son dialogue avec l’ancien directeur du magasin
constituait une conversation privée ; que pour ce faire elle disposait
en effet de la faculté de s’entretenir en particulier avec lui en
utilisant la fonctionnalité adéquate proposée par le site; que d’autre
part si la photocopie du « mur » du directeur du magasin témoigne de la
réalité des propos reprochés à la salariée, il ne porte cependant pas la
trace d’une quelconque interrogation de celle ci quant à l’accès au mur
de son interlocuteur ;
Attendu enfin que si le salarié
jouit, dans l’entreprise ou en dehors d’elle, de sa liberté d’expression
à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par
la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il
ne peut abuser de cette liberté par des propos injurieux diffamatoires
ou excessifs ;
Que dans la présente espèce il est
établi que Mlle Séverine F. a tenu sur la société Casa, son employeur,
les propos suivants : « oui, c’est clair, cette boîte me
dégoûte’ Non, faire juste notre boulot et ne pas en faire trop, j’espère
me retrouver vite autre chose après la, il se démerderont’ Oui c’est
sur tu vas retrouver quelque chose, ça va te permettre de voir d’autres
horizons, mais ça fait quand même chier quand même la façon dont ça
s’est passé, ils méritent juste qu’on leur mette le feu à cette boîte de
merde. » ; qu’eu égard à leur caractère violent et excessif
ces propos témoignent d’un abus incontestable de la liberté d’expression
reconnu à tout salarié ;qu’il s’ensuit que ce premier grief constitue
un motif réel et sérieux de licenciement ; »
Dans un autre cas, la Cour de Cassation a estimé que :
« après avoir constaté que les
propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Y…
tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en
l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée,
en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu que celles-ci
formaient une communauté d’intérêts. Elle en a exactement déduit que ces
propos ne constituaient pas des injures publiques. »
(Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, no 01-19.530).
Ainsi, il convient d’être vigilent
sur ce qui est diffusé sur Internet et plus particulièrement les réseaux
sociaux et paramétrer ses comptes pour protéger au maximum ses données
personnelles.