Actualité jurisprudentielle en droit du travail : licenciement sans cause réelle et sérieuse

Actualité jurisprudentielle en droit du travail : licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, si l’employeur tarde à engager la procédure de licenciement après avoir notifié au salarié sa mise à pied conservatoire

Cour de cassation, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit

Pour rappel, l’article L.1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Par ailleurs, aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

L’employeur peut par exemple sanctionner un salarié par une mise à pied disciplinaire, sanction qui est à distinguer de la mise à pied conservatoire.

La mise à pied disciplinaire est en effet une mesure visant à sanctionner le salarié lorsque ce dernier a commis un agissement considéré comme fautif par l’employeur, et entraînant la suspension du contrat de travail pendant la durée de la mise à pied, ainsi que la déduction des jours de mise à pied du salaire.

La mise à pied conservatoire, est quant à elle une mesure provisoire visant à écarter le salarié de l’entreprise, dans l’attente d’une éventuelle sanction disciplinaire.

La mise à pied conservatoire ne doit donc pas durer dans le temps, faute de quoi elle pourrait être considérée comme constituant une sanction disciplinaire.

En ce sens, la Cour de cassation a retenu dans un arrêt du 14 avril 2021 qu’une cour d’appel, ne peut donc pas dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse alors qu’elle a constaté que la procédure de licenciement avait été engagée 7 jours après la notification de la mise à pied et qu’elle n’avait retenu aucun motif de nature à justifier ce délai, en sorte que cette mesure présentait le caractère d’une sanction disciplinaire et que l’employeur ne pouvait ensuite décider à raison des mêmes faits le licenciement de l’intéressé.

Il faut donc retenir de cette décision que l’employeur ne doit pas tarder à engager la procédure de licenciement en convoquant le salarié à un entretien préalable, après avoir notifié la mise à pied conservatoire, faute de quoi la mise à pied conservatoire présente le caractère de sanction disciplinaire et le licenciement sanctionnant les mêmes faits est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

OSER LA MEDIATION

Maggy RICHARD est avocat et mediateur, pour avoir suivi une formation en médiation civile et commerciale.

Elle est inscrite sur la liste des médiateurs près la Cour d’appel de NANCY.

Elle est membre de LJA LORRAINE JUSTICE AMIABLE, centre de médiation qui regroupe des avocats médiateurs et des avocats formés pour accompagner leurs clients en réunions de médiation

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Lien de subordination pour les livreurs à vélos

Lien de subordination pour les livreurs à vélos

Ils sont de plus en plus nombreux dans les rues de Nancy et des alentours : les livreurs à vélo.

Peu d’entre eux sont salariés, ils sont travailleurs indépendants, déclarés en auto ou micro-entreprise.

Or, la Cour de cassation a récemment jugé qu’un lien de subordination avec la plateforme web qui le contacte pouvait être retenu puisque le cycliste est géolocalisé par la plateforme, ce qui permet un suivi en temps réel par la société de la position du coursier et de la comptabilisation des kilomètres.

Si la société a en outre un pouvoir de sanction sur le livreur, le lien de subordination paraît difficilement contestable.

La décision concernait la société Take Eat Easy .

Celle-ci pratiquait des sanctions en cas de refus de livraison ou de retards et des bonus lorsque le cycliste dépassait la moyenne kilométrique des autres coursiers.

A ce jour, les plateformes de mise en relation mettent en place des stratégies pour éviter une telle requalification en contrat de travail, notamment par l’emploi de termes qui ne figurent pas dans le code du travail. Il est fait état de prestation de service ou de partenariat et non de travail; de partenaire et non de salarié, etc.

Il convient toutefois d’être attentif aux conditions de mise en oeuvre de ce partenariat.

Rappelons que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.» (Cass. soc., 13 novembre 1996).

Dans cet arrêt n°1737 du 28 novembre 2018 (17-20.079), la Chambre sociale de la Cour de cassation a retenu que:

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Viole l’article L.8221-6, II du code du travail la cour d’appel qui retient qu’un coursier ne justifie pas d’un contrat de travail le liant à une société utilisant une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant sous le statut de travailleur indépendant des livraisons de repas, alors qu’il résulte de ses constatations que l’application était dotée d’un système de géo-localisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier.


Demandeur(s) : M. B… ; et autres
Défendeur(s) : Mme D… , en qualité de mandataire liquidateur de la société Take Eat Easy ; et autres


Donne acte à la CGT de son intervention volontaire ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 8221-6 II du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Take Eat Easy utilisait une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d’indépendant ; qu’à la suite de la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet spécialisés, M. B… a postulé auprès de cette société et effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité d’auto-entrepreneur ; qu’au terme d’un processus de recrutement, les parties ont conclu le 13 janvier 2016 un contrat de prestation de services ; que M. B… a saisi la juridiction prud’homale le 27 avril 2016 d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail ; que, par jugement du 30 août 2016, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy et désigné en qualité de mandataire liquidateur Mme D… ;

Attendu que pour rejeter le contredit, dire que M. B… n’était pas lié par un contrat de travail à la société Take Eat Easy et dire le conseil de prud’hommes incompétent pour connaître du litige, l’arrêt retient que les documents non contractuels remis à M. B… présentent un système de bonus (le bonus « Time Bank » en fonction du temps d’attente au restaurant et le bonus « KM » lié au dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers) et de pénalités (« strikes ») distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles, un « strike » en cas de désinscription tardive d’un « shift » (inférieur à 48 heures), de connexion partielle au « shift » (en-dessous de 80 % du « shift »), d’absence de réponse à son téléphone « wiko » ou « perso » pendant le « shift », d’incapacité de réparer une crevaison, de refus de faire une livraison et, uniquement dans la Foire aux Questions (« FAQ »), de circulation sans casque, deux « strikes » en cas de « No-show » (inscrit à un « shift » mais non connecté) et, uniquement dans la « FAQ », de connexion en dehors de la zone de livraison ou sans inscription sur le calendrier, trois « strikes » en cas d’insulte du « support » ou d’un client, de conservation des coordonnées de client, de tout autre comportement grave et, uniquement dans la « FAQ », de cumul de retards importants sur livraisons et de circulation avec un véhicule à moteur, que sur une période d’un mois, un « strike » ne porte à aucune conséquence, le cumul de deux « strikes » entraîne une perte de bonus, le cumul de trois « strikes » entraîne la convocation du coursier « pour discuter de la situation et de (sa) motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire de Take Eat Easy » et le cumul de quatre « strikes » conduit à la désactivation du compte et la désinscription des « shifts » réservés, que ce système a été appliqué à M. B…, que si, de prime abord, un tel système est évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci de choisir ses horaires de travail en s’inscrivant ou non sur un « shift » proposé par la plate-forme ou de choisir de ne pas travailler pendant une période dont la durée reste à sa seule discrétion, que cette liberté totale de travailler ou non, qui permettait à M. B…, sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de fixer seul ses périodes d’inactivité ou de congés et leur durée, est exclusive d’une relation salariale ;

Attendu cependant que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’elle constatait, d’une part, que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d’autre part, que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 avril 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.

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Géolocalisation et salariés, respect de la finalité déclarée

Géolocalisation et salariés, respect de la finalité déclarée

La géolocalisation est un procédé qui permet de localiser un objet ou un individu à l’aide de ses coordonnées géographiques recueillies à l’aide d’un terminal type GPS ou téléphone mobile. Il existe plusieurs techniques de géolocalisation : par satellite, par GSM, par wi-fi…

Nombreux sont les employeurs qui ont recours à la géolocalisation à des fins diverses : productivité, économies de carburant ou de communications, sécurité…

La mise en place d’un système de géolocalisation suppose le traitement de données à caractère personnel concernant les salariés et doit donc répondre à certains critères, notamment est soumise à déclaration auprès de la CNIL Commission Nationale Informatique et Libertés.

Dans cette déclaration, l’employeur devra préciser les finalités du traitement, l’information des personnes concernées, la nature des données collectées, les destinataires des informations collectées et la durée de conservation des données collectées. Il convient de se référer à l’article 30 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.

Le défaut de déclaration rendrait inopposable le système de géolocalisation aux salariés.

L’employeur ne pourrait en aucun cas utiliser les données collectées à l’encontre de ses employés.

En outre, il s’exposerait à des sanctions pénales puisque l’article 226-16 du Code pénal prévoit que :

« Le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en œuvre prévues par la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 Euros d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à un traitement qui a fait l’objet de l’une des mesures prévues au 2° du I de l’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »

La Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 6 avril 2004, qu’un employeur ne peut sanctionner un employé qui  refuserait de se plier à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel si ce  traitement n’a pas été déclaré à la CNIL.

« Attendu qu’il résulte de la combinaison des articles 16, 27 et 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, 226-16 du Code pénal, L. 121-8 et L. 432-2-1 du Code du travail, qu’à défaut de déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’un traitement automatisé d’informations nominatives concernant un salarié, son refus de déférer à une exigence de son employeur impliquant la mise en œuvre d’un tel traitement ne peut lui être reproché ; que le moyen ne peut dès lors être accueilli »

L’employeur doit informer les salariés de la mise en place d’un système de géolocalisation.

Cette information doit porter sur :

–          l’identité du responsable du traitement,

–          les finalités du traitement,

–          quelles sont les données à caractère personnel traitées,

–          les catégories de personnes concernées par le traitement,

–          les destinataires des données,

–          et également sur l’existence d’un droit d’accès et de rectification et d’opposition et leurs modalités d’exercice, comme le prévoit l’article 32 de la loi Informatique et Libertés.

Cette information peut être donnée par courrier remis à chacun des salariés, par une réunion d’information, par affichage.

Il a été jugé par la Cour d’Appel de DIJON dans un arrêt du 14 septembre 2010 que les pièces versées par l’employeur pour justifier le licenciement du salarié obtenues par un système de géolocalisation non porté préalablement à sa connaissance devaient être écartées.

La CNIL prévoit que dans sa déclaration, l’employeur doit préciser les modalités de mise en œuvre de cette information. Il doit en outre informer et recevoir l’avis du Comité d’entreprise.

Le CHSCT doit également être informé et consulté s’agissant d’un projet modifiant les conditions de travail (article L. 4612-8 du Code du travail).

L’employeur doit déterminer les finalités poursuivies par le traitement et s’y tenir. Il s’agit des objectifs poursuivis par la mise en place du dispositif de géolocalisation. Il peut s’agir de gérer en temps réel les interventions auprès des clients.

Le traitement doit être effectué de manière adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif qui est poursuivi.

Si l’employeur peut mettre en place le système de géolocalisation dans le but de surveiller l’activité des salariés, c’est uniquement si un tel système se justifie au regard de l’activité des salariés, et dans ce cas, la CNIL recommande que la surveillance des déplacements des employés ne soit pas permanente et ne puisse être mise en œuvre que si la tâche à accomplir réside dans le déplacement lui-même, ce qui est le cas par exemple des taxis.

Un système de géolocalisation peut avoir pour finalité le suivi du temps de travail d’un salarié uniquement lorsque l’employeur ne dispose pas d’autres moyens.

L’employeur ne peut en effet restreindre les droits et les libertés de ses employés que si cette restriction est justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché.

Dans sa délibération du 16 mars 2006, la CNIL recommande que :

« Compte tenu du caractère intrusif des dispositifs traitant la donnée de géolocalisation des véhicules et des informations qui peuvent y être associées, la commission estime que la mise en œuvre de tels dispositifs n’est admissible que dans le cadre des finalités suivantes :

– la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge (travailleurs isolés, transports de fonds et de valeurs, etc.) ;

– une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés (interventions d’urgence, chauffeurs de taxis, flottes de dépannage, etc.) ;

– le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule (ramassage scolaire, nettoyage des accotements, déneigement routier, patrouilles de service sur le réseau routier, etc.) ;

– le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d’autres moyens.

En revanche, l’utilisation d’un système de géolocalisation ne saurait être justifiée lorsqu’un employé dispose d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP, etc.).

La commission rappelle que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de l’employé concerné.

La commission considère ainsi que le responsable du traitement ne doit pas collecter des données relatives à la localisation d’un employé en dehors des horaires de travail de ce dernier. C’est pourquoi la commission recommande que les employés aient la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules peuvent être utilisés à des fins privées.

Les employés investis d’un mandat électif ou syndical ne doivent pas être l’objet d’une opération de géolocalisation lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leur mandat. »

L’utilisation des informations collectées par les dispositifs de géolocalisation doit  correspondre à l’objectif déclaré et ne doit pas servir à d’autres fins.

Ainsi, un employeur qui utiliserait le dispositif de géolocalisation pour contrôler l’activité de ses employés alors que la finalité déclarée à la CNIL est la lutte contre le vol, commettrait un détournement de finalité.

La jurisprudence se développe s’agissant de tels détournements.

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 3 novembre 2011, a ainsi sanctionné un employeur pour ne pas avoir respecté la finalité prévue dans la déclaration.

En l’espèce, le salarié, tenu à un horaire de 35 heures par semaine, était libre d’organiser son temps de travail, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel, selon le contrat de travail, devait faire la preuve de son activité.

L’employeur a, par la suite, après information du salarié, installé un système de géolocalisation.

Après avoir rappelé le principe de proportionnalité et de spécialité du système de géolocalisation, la Cour de Cassation a constaté un détournement de la finalité telle que notifiée au salarié, à savoir, « permettre l’amélioration du processus de production par une étude a posteriori de ses déplacements et pour permettre à la direction d’analyser les temps nécessaires à ses déplacements pour une meilleure optimisation des visites effectuées ». En effet, l’employeur s’est fondé sur les données récoltées pour modifier la base de calcul de la rémunération, ce qui a constitué un « manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ».

La Cour de Cassation a ainsi jugé :

« Mais attendu, d’abord, que selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail ;

Attendu, ensuite, qu’un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés ;

Et attendu que la cour d’appel a constaté, d’une part, que selon le contrat de travail, le salarié était libre d’organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge pour lui de respecter le programme d’activité fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel de convention expresse faisait preuve de l’activité du salarié, et, d’autre part, que le dispositif avait été utilisé à d’autres fins que celles qui avait été portées à la connaissance du salarié ; qu’elle en a exactement déduit que cette utilisation était illicite et qu’elle constituait un manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. »

Dans un arrêt du 16 mai 2013, la Cour d’Appel d’ORLEANS a également remis en cause le licenciement d’unsalarié pour manque d’assiduité au travail, qui avait été démontré par le système de géolocalisation, dès lors que ce procédé n’avait pas pour finalité la surveillance du temps de travail des salariés.

L’employeur était une société de nettoyage et elle avait utilisé le dispositif de géolocalisation pour vérifier que le salarié se rendait bien sur les sites dont il avait la charge. La Cour d’Appel a toutefois estimé que ce dispositif n’avait pas vocation à prouver la faute du salarié.

La Cour d’Appel de LYON a confirmé que le procédé de géolocalisation n’avait pour but de démontrer l’absence ou non du salarié et qu’en utilisant le système à de telles fins, l’employeur effectuait un détournement de finalité.

Cour d’Appel de LYON 13 mars 2013 :

« L’article L.1121-1 du code du travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». 

Selon l’article L.1222-4 du même code, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Par ailleurs, selon la norme simplifiée n° 51 du 16 mars 2006 établie par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation n’est admissible que si l’employeur remplit les conditions suivantes :

  • effectuer une déclaration simplifiée auprès de cette commission.
  • informer et consulter les instances représentatives du personnel avant sa mise en œuvre,
  • informer individuellement les employés, préalablement à la mise en œuvre du dispositif, de la finalité poursuivie, des catégories de données traitées, de la durée de conservation des données les concernant, des destinataires ou catégories de destinataires des données, de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition,
  • permettre aux salariés de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules peuvent être utilisés à des fins privées.

En l’espèce, il ressort des registres du personnel versés au débat que la société ne pouvait être soumise à la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, l’effectif de la société en novembre 2006 au moment de l’instauration du système de géolocalisation n’ayant pas atteint le seuil légal de la mise en place de ces institutions. Ce système a été déclaré à la Cnil selon récépissé délivré le 17 novembre 2006. Par ailleurs, la société prétend avoir procédé à l’information individuelle des salariés lors d’une réunion du personnel tenue le 9 juin 2006 à laquelle John X., convoqué personnellement, a assisté comme en atteste M.M.

Pour autant ne produisant ni compte-rendu ni ordre du jour et la convocation ayant pour objet “une réunion d’information et de présentation de la société », elle ne démontre pas avoir communiqué au salarié les données visées par la Cnil. 

Néanmoins, elle produit une note de service affichée le 09 novembre 2006 à destination de l’ensemble des agents de sécurité, catégorie à laquelle appartient John X. et précisant que :
« De façon à mieux gérer nos interventions chez nos clients, nous vous informons que nous avons installé, dans les véhicules, un système permettant de les localiser en temps réel.

Ce service va nous permettre de quantifier les interventions par type et de connaitre les délais et temps d’intervention sur événement. Nous aurons connaissance de l’itinéraire que vous suivez ainsi que des arrêts que vous effectuez. 

Notre objectif est de pouvoir établir au mieux des tableaux de bord de nos activités, et en cas de désaccord avec nos clients, apporter un avis contradictoire, notamment sur nos délais d’intervention.
Les données relatives à vos déplacements sont conservées pendant 1 an et 6 mois, et ont pour objet la réalisation de statistiques. Au delà de ce laps de temps toutes les données sont supprimées.
Le service de la direction des ressources humaines et les responsables opérationnels sont seuls destinataires de ces informations. Conformément aux articles 39 et 40 de la 101 n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés, toute personne peut obtenir communication et, le cas échéant, rectification ou suppression des informations la concernant, en s’adressant à la direction générale. Vous bénéficiez également d’un droit d’opposition, sous réserve d’invoquer des motifs légitimes qui seront soumis à l’appréciation de la direction ». 

Cette note conforme au guide établi par la Cnil fait bien état de la mise en place d’un système de géolocalisation dans les véhicules mais dans un but purement commercial. Le suivi de l’activité des employés de la société but qui doit être justifié au regard de l‘activité de l’employé n’est pas mentionné au titre des finalités poursuivies.

Les éléments de la procédure disciplinaire menée par la société à l’encontre de John X. démontrent néanmoins que la société a utilisé ainsi le système de géolocalisation, puisqu’elle a sanctionné John X. au vu du relevé des déplacements de son véhicule de service, opérant ainsi un détournement de finalité au regard de celle qui avait été portée à la connaissance du salarié.

Ne pouvant utiliser ces données comme preuve du seul fait reproché à John X. le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse. »

Enfin, la Cour d’Appel de BORDEAUX, dans un arrêt du 27 novembre 2012 a précisé que le dispositif de cryptage produisant des données de géolocalisation illisibles en dehors des horaires de travail n’empêche pas toute récupération de ces données par l’employeur et que :

« Seule une désactivation complète du dispositif de géolocalisation, impliquant qu’aucune donnée ne soit transmise à partir du véhicule, donc recueillie par l’employeur, est de nature à préserver totalement la vie privée des salariés ainsi que le libre exercice de leur mandat représentatif »

Pour les juges de Cour d’appel, la désactivation complète du système est le seul moyen capable de préserver totalement la vie privé des salariés, et la liberté syndicale des salariés mandatés.

L’employeur ne doit avoir aucune possibilité de récupérer ces données.

Il est manifeste que tout traitement de données à caractère personnel doit répondre à des règles strictes qui résultent de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.

Cette loi prévoit un certain nombre de droits pour les personnes dont les données ont été collectées, notamment un droit d’accès aux données et de copie, un droit de rectification, droit de suppression de données qui seraient inexactes.

Le non-respect des obligations et droits prévus par la Loi Informatique et Libertés est pénalement sanctionné.

L’article 226-21 du Code Pénal sanctionne plus particulièrement le détournement de finalité du traitement.

« Le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l’acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en œuvre de ce traitement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 Euros d’amende. »

Pour plus de précisions sur ces traitements de données à caractère personnel, il convient de se référer à la loi dite Informatique et Libertés accessible à l’adresse suivante :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460
Licenciement suite à des propos tenus sur des réseaux sociaux

Licenciement suite à des propos tenus sur des réseaux sociaux

Par principe, le salarié bénéficie d’une liberté d’expression.

L’article L.1121-1 du Code du Travail prévoit d’ailleurs que : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

Les articles L.2281-1 et suivants précisent le droit à l’expression directe et collective des salariés.

Article L2281-1 « Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. »

Article L2281-2 « L’expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise. »

Article L2281-3 « Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. »

Il existe une limite à cette liberté d’expression, le salarié ne doit pas abuser de cette liberté d’expression. Il ne doit ainsi pas tenir de propos injurieux ou excessifs vis à vis de son employeur, ni porter atteinte à son obligation de confidentialité.Il convient de caractériser que les propos tenus sont injurieux, diffamatoires ou excessifs.

A défaut , l’abus ne sera pas retenu.

C’est ce qu’a confirmé la Cour de Cassation dans un arrêt de la Chambre Sociale du 27 mars 2013 n° 11-19.734, Société Dyneff c/ M. X :

« Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute grave, la cour d’appel, tout en admettant que les termes de la lettre litigieuse ne sont pas injurieux, relève que les termes employés tels que « décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l’entreprise », comme ceux de « désordre interne, détournement, abus d’autorité, conséquences financières et sociales désastreuses » n’en sont pas moins violents et dénués de nuance, que « leur usage a pour seule finalité de caractériser l’incurie et l’impéritie du président de la société », que le courrier litigieux « dépasse les standards habituels de communication au sein de l’entreprise, décrit de façon tendancieuse des situations qui s’apparentent à des actes de malveillance, fait une présentation volontairement alarmiste de la situation économique et sociale de l’entreprise, répand des rumeurs sur le devenir de la société et la précarité de la situation des salariés et manifeste l’intention de ses auteurs de mettre en cause et de déstabiliser son président et que ce comportement est d’autant plus fautif qu’il est le fait de cadres supérieurs disposant d’une large autonomie et d’une autorité non négligeable dans l’entreprise qui s’adressent directement et collectivement aux nouveaux actionnaires du groupe », à un moment où « la société Dyneff était en pleine réorganisation » ; »

Qu’en statuant ainsi, alors que la lettre litigieuse, adressée aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Par décision du 19 novembre 2010, le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE BILLANCOURT a jugé fondé le licenciement de salariés qui avaient critiqué leur employeur sur le réseau social Facebook.Plusieurs salariés de la société ALTEN SIR avaient en effet dénigré leur employeur sur le mur Facebook d’un des salariés. Ce salarié partageait sa page facebook avec ses amis et les amis de ses amis, de sorte que les informations étaient accessibles à un grand nombre d’internautes, y compris salariés et anciens salariés de la société ou toute personne extérieure.

Le Conseil de Prud’hommes a jugé que « ce mode d’accès à Facebook dépasse la sphère privée et qu’ainsi la production aux débats de la page mentionnant les propos incriminés constitue un moyen de preuve licite du caractère fondé du licenciement. Dès lors, l’employeur n’a pas violé le droit au respect de la vie privée de la salariée. »

Le Conseil de Prud’hommes rappelle que «  s’agissant des propos échangés sur Facebook le 22 novembre 2008, il est précisé que Monsieur François C. intègre “le club des néfastes”, club virtuel destiné à rassembler les salariés de la Société ALTEN SIR respectant le rite consistant à se “foutre de la gueule” de Madame D., leur supérieure hiérarchique “toute la journée et sans qu’elle s en rende compte” et ensuite “lui rendre la vie impossible pendant plusieurs mois. »

Madame Morgane B. ne conteste pas ces propos mais considère qu’il s’agit d’une plaisanterie, alors qu’elle a cautionné ces propos dénigrants et a incité à la rébellion contre la hiérarchie en écrivant qu’elle allait s’assurer que Monsieur François C. respecte le “rite”.

Le Conseil de Prud’hommes a estimé que ces propos n’étaient pas simplement humoristiques mais incitaient à la rébellion et au dénigrement de la société. Madame Morgane B. a abusé de son droit d’expression et a nui à l’image de la société.

Le Conseil de Prud’hommes a donc confirmé le licenciement de la salariée en retenant pour preuve les publications Facebook dès lors que ces publications étaient publiques, accessibles à un grand nombre d’internautes, et ce dès lors que la salariée n’avait pas paramétrer son compte Facebook pour empêcher la publicité de son contenu. Un salarié ne peut être sanctionné pour une discussion à caractère privé entre amis. D’ailleurs en cas de correspondances privées, seul le destinataire peut en faire état ; ainsi, si l’employeur n’en a pas été destinataire, il ne peut faire état de cette correspondance.

En revanche, si les propos sont accessibles aux amis des amis, et en conséquence à plusieurs personnes, la conversation devient publique.Si les juges n’ont pas d’éléments sur cette publicité, ils ne pourront condamner le salarié et ne pourront donc confirmer la sanction qui aurait été prise à son encontre. La Cour d’Appel de RENNES dans un arrêt du 15 novembre 2011 a précisé que l’employeur devant démontrer comment il avait eu accès au contenu du compte Facebook de son salarié et démontrer le caractère publique de la correspondance.

« Il ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur.

A cet égard, aucun élément ne permet de dire que le compte Facebook tel que paramétré par Mlle E. ou par les autres personnes ayant participé aux échanges autorisait le partage avec les “amis” de ses “amis” ou tout autre forme partage à des personnes indéterminées, de nature à faire perdre aux échanges litigieux leur caractère de correspondance privée.

L’existence d’un tel paramétrage ne résulte ni des mentions figurant sur la copie de la page Facebook litigieuse, ni de la seule circonstance que cinq autres salariées ont participé aux échanges. Elle ne peut davantage être déduite de la manière dont l’employeur a pris connaissance des propos échangés, ce dernier n’ayant pas précisé les conditions dans lesquelles il s’en était procuré la reproduction, de telle sorte qu’il ne peut être exclu qu’elle provienne de l’une des personnes ayant seules participé aux échanges. »

Dans un arrêt de même date, la Cour d’Appel de BESANCON a confirmé le licenciement d’une salarié qui avait tenu des propos injurieux à l’égard de son employeur sur le mur d’un ancien collègue, dès lors que ce mur était accessible à d’autres internautes et qu’elle n’avait pas pris soin d’adresser un message privé ou de paramétrer son compte.

« Attendu ensuite que s’il est avéré que lors du dialogue auquel elle a participé sur Facebook avec l’ancien directeur du magasin et certains contacts de ce dernier Mlle Séverine F. n’a jamais désigné nommément la société Casa, il en demeure cependant pas moins que ces propos sont demeurés inscrits sur « le mur » du profil de son interlocuteur, d’une part, qu’ils ont été par la suite complétés par un autre contact qui a expressément mentionné la société Casa, d’autre part ; que même à supposer que la salariée ait quitté le site sitôt après la délivrance de son dernier message , ses propos sont tout de même demeurés accessibles et son employeur parfaitement identifiable ; que l’absence d’intention de la part de la salariée se trouve dès lors sans effet dès lors que son comportement imprudent a conduit à un résultat similaire ;

Attendu encore que le réseau Facebook a pour objectif affiché de créer entre ses différents membres un maillage relationnel destiné à s’accroître de façon exponentielle par application du principe «les contacts de mes contacts deviennent mes contacts» et ce, afin de leur permettre de partager toutes sortes d’informations ; que ces échanges s’effectuent librement via « le mur » de chacun des membres auquel tout un chacun peut accéder si son titulaire n’ a pas apporté de restrictions ; qu’il s’en suit que ce réseau doit être nécessairement considéré , au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public ; qu’il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d’adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès à son «mur» ;

Qu’en l’espèce Mlle Séverine F. , qui ne pouvait ignorer le fonctionnement du site Facebook, n’est pas fondée à soutenir que son dialogue avec l’ancien directeur du magasin constituait une conversation privée ; que pour ce faire elle disposait en effet de la faculté de s’entretenir en particulier avec lui en utilisant la fonctionnalité adéquate proposée par le site; que d’autre part si la photocopie du « mur » du directeur du magasin témoigne de la réalité des propos reprochés à la salariée, il ne porte cependant pas la trace d’une quelconque interrogation de celle ci quant à l’accès au mur de son interlocuteur ;

Attendu enfin que si le salarié jouit, dans l’entreprise ou en dehors d’elle, de sa liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté par des propos injurieux diffamatoires ou excessifs ;

Que dans la présente espèce il est établi que Mlle Séverine F. a tenu sur la société Casa, son employeur, les propos suivants : « oui, c’est clair, cette boîte me dégoûte’ Non, faire juste notre boulot et ne pas en faire trop, j’espère me retrouver vite autre chose après la, il se démerderont’ Oui c’est sur tu vas retrouver quelque chose, ça va te permettre de voir d’autres horizons, mais ça fait quand même chier quand même la façon dont ça s’est passé, ils méritent juste qu’on leur mette le feu à cette boîte de merde. » ; qu’eu égard à leur caractère violent et excessif ces propos témoignent d’un abus incontestable de la liberté d’expression reconnu à tout salarié ;qu’il s’ensuit que ce premier grief constitue un motif réel et sérieux de licenciement ; »

Dans un autre cas, la Cour de Cassation a estimé que :

« après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Y… tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu que celles-ci formaient une communauté d’intérêts. Elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques. »

(Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, no 01-19.530).

Ainsi, il convient d’être vigilent sur ce qui est diffusé sur Internet et plus particulièrement les réseaux sociaux et paramétrer ses comptes pour protéger au maximum ses données personnelles.