Par principe, le salarié bénéficie d’une liberté d’expression.
L’article L.1121-1 du Code du Travail prévoit d’ailleurs que : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Les articles L.2281-1 et suivants précisent le droit à l’expression directe et collective des salariés.
Article L2281-1 « Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. »
Article L2281-2 « L’expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise. »
Article L2281-3 « Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. »
Il existe une limite à cette liberté d’expression, le salarié ne doit pas abuser de cette liberté d’expression. Il ne doit ainsi pas tenir de propos injurieux ou excessifs vis à vis de son employeur, ni porter atteinte à son obligation de confidentialité.Il convient de caractériser que les propos tenus sont injurieux, diffamatoires ou excessifs.
A défaut , l’abus ne sera pas retenu.
C’est ce qu’a confirmé la Cour de Cassation dans un arrêt de la Chambre Sociale du 27 mars 2013 n° 11-19.734, Société Dyneff c/ M. X :
« Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute grave, la cour d’appel, tout en admettant que les termes de la lettre litigieuse ne sont pas injurieux, relève que les termes employés tels que « décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l’entreprise », comme ceux de « désordre interne, détournement, abus d’autorité, conséquences financières et sociales désastreuses » n’en sont pas moins violents et dénués de nuance, que « leur usage a pour seule finalité de caractériser l’incurie et l’impéritie du président de la société », que le courrier litigieux « dépasse les standards habituels de communication au sein de l’entreprise, décrit de façon tendancieuse des situations qui s’apparentent à des actes de malveillance, fait une présentation volontairement alarmiste de la situation économique et sociale de l’entreprise, répand des rumeurs sur le devenir de la société et la précarité de la situation des salariés et manifeste l’intention de ses auteurs de mettre en cause et de déstabiliser son président et que ce comportement est d’autant plus fautif qu’il est le fait de cadres supérieurs disposant d’une large autonomie et d’une autorité non négligeable dans l’entreprise qui s’adressent directement et collectivement aux nouveaux actionnaires du groupe », à un moment où « la société Dyneff était en pleine réorganisation » ; »
Qu’en statuant ainsi, alors que la lettre litigieuse, adressée aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »
Par décision du 19 novembre 2010, le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE BILLANCOURT a jugé fondé le licenciement de salariés qui avaient critiqué leur employeur sur le réseau social Facebook.Plusieurs salariés de la société ALTEN SIR avaient en effet dénigré leur employeur sur le mur Facebook d’un des salariés. Ce salarié partageait sa page facebook avec ses amis et les amis de ses amis, de sorte que les informations étaient accessibles à un grand nombre d’internautes, y compris salariés et anciens salariés de la société ou toute personne extérieure.
Le Conseil de Prud’hommes a jugé que « ce mode d’accès à Facebook dépasse la sphère privée et qu’ainsi la production aux débats de la page mentionnant les propos incriminés constitue un moyen de preuve licite du caractère fondé du licenciement. Dès lors, l’employeur n’a pas violé le droit au respect de la vie privée de la salariée. »
Le Conseil de Prud’hommes rappelle que « s’agissant des propos échangés sur Facebook le 22 novembre 2008, il est précisé que Monsieur François C. intègre “le club des néfastes”, club virtuel destiné à rassembler les salariés de la Société ALTEN SIR respectant le rite consistant à se “foutre de la gueule” de Madame D., leur supérieure hiérarchique “toute la journée et sans qu’elle s en rende compte” et ensuite “lui rendre la vie impossible pendant plusieurs mois. »
Madame Morgane B. ne conteste pas ces propos mais considère qu’il s’agit d’une plaisanterie, alors qu’elle a cautionné ces propos dénigrants et a incité à la rébellion contre la hiérarchie en écrivant qu’elle allait s’assurer que Monsieur François C. respecte le “rite”.
Le Conseil de Prud’hommes a estimé que ces propos n’étaient pas simplement humoristiques mais incitaient à la rébellion et au dénigrement de la société. Madame Morgane B. a abusé de son droit d’expression et a nui à l’image de la société.
Le Conseil de Prud’hommes a donc confirmé le licenciement de la salariée en retenant pour preuve les publications Facebook dès lors que ces publications étaient publiques, accessibles à un grand nombre d’internautes, et ce dès lors que la salariée n’avait pas paramétrer son compte Facebook pour empêcher la publicité de son contenu. Un salarié ne peut être sanctionné pour une discussion à caractère privé entre amis. D’ailleurs en cas de correspondances privées, seul le destinataire peut en faire état ; ainsi, si l’employeur n’en a pas été destinataire, il ne peut faire état de cette correspondance.
En revanche, si les propos sont accessibles aux amis des amis, et en conséquence à plusieurs personnes, la conversation devient publique.Si les juges n’ont pas d’éléments sur cette publicité, ils ne pourront condamner le salarié et ne pourront donc confirmer la sanction qui aurait été prise à son encontre. La Cour d’Appel de RENNES dans un arrêt du 15 novembre 2011 a précisé que l’employeur devant démontrer comment il avait eu accès au contenu du compte Facebook de son salarié et démontrer le caractère publique de la correspondance.
« Il ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur.
A cet égard, aucun élément ne permet de dire que le compte Facebook tel que paramétré par Mlle E. ou par les autres personnes ayant participé aux échanges autorisait le partage avec les “amis” de ses “amis” ou tout autre forme partage à des personnes indéterminées, de nature à faire perdre aux échanges litigieux leur caractère de correspondance privée.
L’existence d’un tel paramétrage ne résulte ni des mentions figurant sur la copie de la page Facebook litigieuse, ni de la seule circonstance que cinq autres salariées ont participé aux échanges. Elle ne peut davantage être déduite de la manière dont l’employeur a pris connaissance des propos échangés, ce dernier n’ayant pas précisé les conditions dans lesquelles il s’en était procuré la reproduction, de telle sorte qu’il ne peut être exclu qu’elle provienne de l’une des personnes ayant seules participé aux échanges. »
Dans un arrêt de même date, la Cour d’Appel de BESANCON a confirmé le licenciement d’une salarié qui avait tenu des propos injurieux à l’égard de son employeur sur le mur d’un ancien collègue, dès lors que ce mur était accessible à d’autres internautes et qu’elle n’avait pas pris soin d’adresser un message privé ou de paramétrer son compte.
« Attendu ensuite que s’il est avéré que lors du dialogue auquel elle a participé sur Facebook avec l’ancien directeur du magasin et certains contacts de ce dernier Mlle Séverine F. n’a jamais désigné nommément la société Casa, il en demeure cependant pas moins que ces propos sont demeurés inscrits sur « le mur » du profil de son interlocuteur, d’une part, qu’ils ont été par la suite complétés par un autre contact qui a expressément mentionné la société Casa, d’autre part ; que même à supposer que la salariée ait quitté le site sitôt après la délivrance de son dernier message , ses propos sont tout de même demeurés accessibles et son employeur parfaitement identifiable ; que l’absence d’intention de la part de la salariée se trouve dès lors sans effet dès lors que son comportement imprudent a conduit à un résultat similaire ;
Attendu encore que le réseau Facebook a pour objectif affiché de créer entre ses différents membres un maillage relationnel destiné à s’accroître de façon exponentielle par application du principe «les contacts de mes contacts deviennent mes contacts» et ce, afin de leur permettre de partager toutes sortes d’informations ; que ces échanges s’effectuent librement via « le mur » de chacun des membres auquel tout un chacun peut accéder si son titulaire n’ a pas apporté de restrictions ; qu’il s’en suit que ce réseau doit être nécessairement considéré , au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public ; qu’il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d’adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès à son «mur» ;
Qu’en l’espèce Mlle Séverine F. , qui ne pouvait ignorer le fonctionnement du site Facebook, n’est pas fondée à soutenir que son dialogue avec l’ancien directeur du magasin constituait une conversation privée ; que pour ce faire elle disposait en effet de la faculté de s’entretenir en particulier avec lui en utilisant la fonctionnalité adéquate proposée par le site; que d’autre part si la photocopie du « mur » du directeur du magasin témoigne de la réalité des propos reprochés à la salariée, il ne porte cependant pas la trace d’une quelconque interrogation de celle ci quant à l’accès au mur de son interlocuteur ;
Attendu enfin que si le salarié jouit, dans l’entreprise ou en dehors d’elle, de sa liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté par des propos injurieux diffamatoires ou excessifs ;
Que dans la présente espèce il est établi que Mlle Séverine F. a tenu sur la société Casa, son employeur, les propos suivants : « oui, c’est clair, cette boîte me dégoûte’ Non, faire juste notre boulot et ne pas en faire trop, j’espère me retrouver vite autre chose après la, il se démerderont’ Oui c’est sur tu vas retrouver quelque chose, ça va te permettre de voir d’autres horizons, mais ça fait quand même chier quand même la façon dont ça s’est passé, ils méritent juste qu’on leur mette le feu à cette boîte de merde. » ; qu’eu égard à leur caractère violent et excessif ces propos témoignent d’un abus incontestable de la liberté d’expression reconnu à tout salarié ;qu’il s’ensuit que ce premier grief constitue un motif réel et sérieux de licenciement ; »
Dans un autre cas, la Cour de Cassation a estimé que :
« après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Y… tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu que celles-ci formaient une communauté d’intérêts. Elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques. »
(Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, no 01-19.530).
Ainsi, il convient d’être vigilent sur ce qui est diffusé sur Internet et plus particulièrement les réseaux sociaux et paramétrer ses comptes pour protéger au maximum ses données personnelles.